10 Nov 2025
Le séminaire, un don exigeant
Lettre du Saint-Père au Grand Séminaire « San Carlos y San Marcelo » de l’Archidiocèse de Trujillo, à l’occasion du 400e anniversaire de sa fondation
Chers fils,
Cette année, nous rendons grâce au Seigneur pour les quatre siècles d’histoire du grand séminaire archidiocésain « San Carlos y San Marcelo » de Trujillo, et nous faisons mémoire des innombrables jeunes issus de l’archidiocèse, de diverses juridictions du Pérou et de communautés religieuses qui, dans ces salles de cours et ces chapelles, ont cherché à répondre à la voix du Christ les appelant « à être avec Lui et à être envoyés pour prêcher » (Mc 3, 14). Mes propres pas ont aussi marqué cette maison, où j’ai servi comme professeur et directeur des études.
Votre première tâche demeure la même : être avec le Seigneur, vous laisser former par Lui, Le connaître et L’aimer pour devenir semblables à Lui. C’est pourquoi l’Église a toujours voulu que les séminaires existent : des lieux où l’on garde cette expérience et où se préparent ceux qui seront envoyés pour servir le peuple saint de Dieu. De là jaillissent aussi les attitudes que je souhaite partager avec vous, car elles ont toujours constitué le fondement solide du ministère sacerdotal.
Avant toute chose, il est nécessaire de laisser le Seigneur éclairer nos motivations et purifier nos intentions (cf. Rm 12, 2). Le sacerdoce ne peut se réduire à « obtenir l’ordination » comme s’il s’agissait d’un but extérieur ou d’une solution facile à ses problèmes personnels. Ce n’est pas une fuite devant ce qu’on ne veut pas affronter, ni un refuge contre les difficultés affectives, familiales ou sociales ; ce n’est ni une promotion ni un abri, mais le don total de soi. Seul celui qui est libre peut se donner : lié par l’intérêt ou la peur, nul ne se donne vraiment, car « la volonté n’est vraiment libre que lorsqu’elle n’est pas esclave » (saint Augustin, Cité de Dieu, XIV, 11, 1). L’essentiel n’est pas d’être « ordonné », mais de devenir véritablement prêtre.
Vu selon les critères du monde, le ministère se confond avec un droit personnel, une position à distribuer ; il devient une simple prérogative ou une fonction bureaucratique. En réalité, il naît du choix du Seigneur (cf. Mc 3, 13), qui appelle avec une prédilection particulière certains hommes à partager Son ministère de salut, afin qu’ils reproduisent en eux Son image et témoignent sans cesse de Sa fidélité et de Son amour. Ceux qui recherchent le sacerdoce pour des raisons superficielles se trompent de fondement et bâtissent sur le sable (cf. Mt 7, 26-27).
La vie au séminaire est un chemin de rectification intérieure. Il faut laisser le Seigneur examiner nos cœurs et manifester clairement ce qui motive nos décisions. La droiture d’intention consiste à pouvoir dire chaque jour, avec simplicité et vérité : « Seigneur, je veux être ton prêtre, non pour moi-même, mais pour ton peuple. » Cette transparence se cultive par la confession fréquente, la direction spirituelle sincère et l’obéissance confiante envers ceux qui accompagnent notre discernement. L’Église demande des séminaristes au cœur pur, qui cherchent le Christ sans duplicité et ne se laissent pas emprisonner par l’égoïsme ou la vanité.
Cela exige un discernement continu. La sincérité devant Dieu et devant les formateurs protège de l’autojustification et aide à corriger en temps voulu ce qui n’est pas conforme à l’Évangile. Le séminariste qui apprend à vivre dans cette clarté devient un homme mûr, libéré de l’ambition et du calcul humain, libre de se donner sans réserve. Ainsi, l’ordination sera la confirmation joyeuse d’une vie façonnée par le Christ dès le séminaire, et le commencement d’un chemin authentique.
Le cœur du séminariste se forme dans la relation personnelle avec Jésus. La prière n’est pas un exercice secondaire : c’est en elle que l’on apprend à reconnaître Sa voix et à se laisser conduire par Lui. Celui qui ne prie pas ne connaît pas le Maître ; et celui qui ne Le connaît pas ne peut ni L’aimer vraiment ni se configurer à Lui. Le temps passé en prière est l’investissement le plus fécond de la vie : c’est là que le Seigneur façonne nos sentiments, purifie nos désirs et fortifie notre vocation. Ceux qui ne parlent pas assez avec Dieu ne peuvent pas parler de Dieu ! Le Christ se laisse rencontrer de manière privilégiée dans l’Écriture sainte, qu’il faut aborder avec révérence et foi, en cherchant l’Ami qui s’y révèle.
Là, ceux qui se préparent au sacerdoce découvrent comment le Christ pense, comment Il voit le monde, comment Il se laisse toucher par les pauvres ; peu à peu, ils adoptent Ses critères et Ses attitudes. « Nous devons regarder Jésus, la compassion avec laquelle Il voit notre humanité blessée, la gratuité avec laquelle Il a offert Sa vie pour nous sur la croix » (François, Lettre aux prêtres du diocèse de Rome, 5 août 2023).
L’Église a toujours reconnu que la rencontre avec le Seigneur devait s’enraciner dans l’intelligence et devenir doctrine. C’est pourquoi l’étude est un chemin indispensable pour que la foi devienne solide, raisonnée et capable d’éclairer les autres. Celui qui se forme pour le sacerdoce ne se livre pas à l’étude pour une érudition vaine, mais par fidélité à sa vocation. Le travail intellectuel, surtout théologique, est une forme d’amour et de service nécessaire à la mission, toujours en pleine communion avec le Magistère. Sans étude sérieuse, il n’y a pas de véritable ministère pastoral, car celui-ci consiste à conduire les personnes à connaître et aimer le Christ et, en Lui, à trouver le salut. On rapporte qu’un séminariste demanda à saint Alberto Hurtado en quelle matière il devait se spécialiser ; le saint répondit : « Spécialise-toi en Jésus-Christ ! » Voilà la voie la plus sûre : faire de l’étude un moyen de s’unir plus intimement au Seigneur et de Le proclamer avec clarté.
Prière et recherche de la vérité ne sont pas deux chemins parallèles, mais une seule route qui conduit au Maître. Une piété sans doctrine devient une sentimentalité fragile ; une doctrine sans prière devient stérile et froide. Nourrissez-les toutes deux avec équilibre et passion : c’est seulement ainsi que vous pourrez proclamer authentiquement ce que vous vivez et vivre avec cohérence ce que vous proclamez. Lorsque l’esprit s’ouvre à la vérité révélée et que le cœur s’enflamme dans la prière, la formation porte du fruit et prépare à un sacerdoce solide et lumineux.
La vie spirituelle et la vie intellectuelle sont indispensables, mais elles convergent vers l’autel, lieu où l’identité sacerdotale se construit et se manifeste dans sa plénitude (cf. saint Jean XXIII, Sacerdotii Nostri Primordia, II). Là, dans le Saint Sacrifice, le prêtre apprend à offrir sa vie, à l’exemple du Christ sur la croix. En se nourrissant de l’Eucharistie, il découvre l’unité entre ministère et sacrifice et comprend que sa vocation consiste à être un sacrifice uni au Christ (cf. Rm 12, 1). Ainsi, lorsque la croix est assumée comme une part inséparable de la vie, l’Eucharistie cesse d’être seulement un rite : elle devient le véritable centre de l’existence.
L’union avec le Christ dans le sacrifice eucharistique se prolonge dans la paternité sacerdotale, qui engendre non selon la chair, mais selon l’Esprit (cf. 1 Co 4, 14-15). Être père n’est pas une fonction que l’on exerce, c’est un être que l’on devient. Un vrai père ne vit pas pour lui-même, mais pour sa famille : il se réjouit quand ses enfants grandissent, souffre quand ils se perdent, attend quand ils s’égarent (cf. 1 Th 2, 11-12). De même, le prêtre porte dans son cœur tout le peuple, il intercède pour lui, l’accompagne dans ses luttes et le soutient dans la foi. La paternité sacerdotale consiste à rendre visible le visage du Père, afin que ceux qui rencontrent le prêtre perçoivent intuitivement l’amour de Dieu.
Cette paternité s’exprime dans des attitudes de don : le célibat comme amour indivis pour le Christ et pour Son Église ; l’obéissance comme confiance en la volonté de Dieu ; la pauvreté évangélique comme disponibilité pour tous ; la miséricorde et la force qui accompagnent les blessures et soutiennent dans la souffrance. C’est à ces signes qu’on reconnaît un vrai père, capable de guider ses enfants spirituels vers le Christ avec fermeté et amour. Il n’existe pas de paternité à moitié, pas plus qu’il n’existe de sacerdoce à moitié.
Vous, candidats au sacerdoce, êtes appelés à fuir la médiocrité, au milieu de dangers bien réels : la mondanité qui brouille la vision surnaturelle de la réalité, l’activisme qui épuise, la distraction numérique qui vole l’intériorité, les idéologies qui détournent de l’Évangile et, non moins grave, la solitude de ceux qui cherchent à vivre sans le presbytérat et sans leur évêque. Un prêtre isolé est vulnérable. La fraternité et la communion sacerdotale font partie intégrante de la vocation. L’Église a besoin de pasteurs saints qui se donnent ensemble, non de fonctionnaires solitaires ; c’est seulement ainsi qu’ils seront des témoins crédibles de la communion qu’ils annoncent.
Chers fils, pour conclure, je veux vous assurer que vous avez une place dans le cœur du Successeur de Pierre. Le séminaire est un don immense et exigeant, mais vous n’êtes jamais seuls sur ce chemin. Dieu, les saints et toute l’Église marchent avec vous ; en particulier votre évêque et vos formateurs, qui vous aident à croître « jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous » (Ga 4, 19). Accueillez leurs conseils et leurs corrections comme des gestes d’amour. Souvenez-vous aussi de la sagesse de saint Toribio de Mogrovejo, si cher à Trujillo, qui aimait à dire : « Le temps ne nous appartient pas, il est très bref, et Dieu nous demandera compte rigoureux de l’usage que nous en aurons fait. » Profitez donc de chaque jour comme d’un trésor unique.
Que la Vierge Marie et saint Joseph, premiers éducateurs du Grand Prêtre éternel, vous soutiennent tous dans la joie de savoir que vous êtes aimés et appelés. Avec ces sentiments, en signe de proximité, j’accorde cordialement la bénédiction apostolique implorée à toute la communauté de ce cher séminaire et à vos familles.
(Source: Zenit – Français / Photo: istockphoto)
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