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29 Sep 2025

L’oratoire à Kiev qui combat la guerre avec des prières et des jeux

Le père Moreno leur assure tout le nécessaire: nourriture, médicaments, vêtements. «Nous continuons à garantir aux enfants proximité et animation».

La commune de Chabany est située aux portes de Kiev, juste après le panneau qui souhaite la bienvenue dans la capitale ukrainienne. Ici, sur un terrain d’un hectare, se dresse un centre de résistance à la guerre sans barbelés, sans tours de garde, sans mitrailleuses.

Les «soldats» qui le fréquentent sont de jeunes créatures aux yeux doux et effrayés qui, chaque jour, prennent des ballons, attrapent des balles de ping-pong et de baby-foot, sautent sur des trampolines, s’assoient autour d’une table pour jouer aux jeux de société les plus passionnants. Toutes ces «armes» sont plus puissantes que les bazookas et les kalachnikovs. Les «casemates» qui l’occupent ne sont rien d’autre que deux conteneurs de neuf mètres de long et six mètres de large: l’un abrite plusieurs salles de jeux et de loisirs, l’autre une petite chapelle où est célébrée la Divine Liturgie, la liturgie eucharistique du rite byzantin également utilisée par l’Église grecque-catholique ukrainienne.

Éduquer à la non-violence

Le «général» de cette «armée» sans canons, le père Moreno Cattelan ne se décompose pas un seul instant lorsqu’il montre la photo de ses «chars d’assaut» garés sous les feuilles vertes des arbres nouvellement plantés. Il s’agit de poussettes que les mères de la région ont laissées là pendant qu’elles s’adonnent avec leurs enfants à des activités ludiques imaginatives, qui peuvent durer des heures, mais il les considère comme l’un des meilleurs moyens de lutter contre la peur des bombardements russes, de la mort, de l’absurdité d’un conflit qui a hypothéqué le présent: «Ces poussettes et ces mères représentent l’avenir proche de l’Ukraine, qui est un avenir extrêmement jeune. Lorsque la paix éclatera, la nation renaîtra grâce à cette armée d’enfants éduqués à la non-violence et au dialogue».

Le père Cattelan sait que son oratoire aura beaucoup de travail à faire. «Le terrain où se trouve la structure est niché entre des immeubles de 25 étages», explique le missionnaire de la Congrégation de Saint-Louis-Orione chargé des œuvres sociales dans la ville de Kiev. Cela signifie que chaque immeuble de cette taille peut contenir plus d’un millier d’appartements. «Et nous sommes là, dans cet espace ouvert du matin au soir où les enfants peuvent venir jouer et s’amuser». Mais aussi essayer d’oublier le son lancinant des alarmes anti-aériennes qui, ces dernières semaines, sont devenues de plus en plus obsessionnelles et répétitives. Qui sait si l’odeur du barbecue, que les familles allument dans le camp surtout le week-end, parvient à balayer la puanteur âcre et piquante des abris aménagés dans le ventre de ces immeubles qui, à chaque sifflement de bombe, risquent de se transformer en cercueils de béton.

Un lieu de lutte contre le mal

Lorsque les sirènes retentissent, et elles le font désormais de plus en plus souvent, même pendant la journée, «l’armée» du père Moreno rompt les rangs, abandonne ses jeux, met de côté son imagination et retourne se réfugier avec le désir de pouvoir se réunir à nouveau lorsque le pire sera passé. «C’est un oratoire qui représente un lieu de lutte contre le mal qui nous entoure, contre la peur qui nous tenaillent. Les drones russes ne cessent de tournoyer au-dessus de nos têtes et viennent frapper non seulement les structures stratégiques, mais aussi les habitations individuelles».

Les Orionistes de Kiev, comme ceux de Chabany, se consacrent depuis des années aux personnes déplacées qui, par milliers, ont fui les zones les plus dévastées par le conflit et se sont réfugiées dans les banlieues de la capitale. Le père Moreno leur assure «tout le nécessaire: nourriture, médicaments, vêtements. Nous continuons à garantir aux enfants proximité et animation. Par exemple, nous avons fait venir de Lviv des animateurs qui nous ont aidés à organiser les Grest, les groupes d’été».

Augmentation de la spiritualité

L’un des nombreux paradoxes que produisent les guerres est que plus les missiles tombent, plus l’attention portée à la prière augmente. Ce conflit ne fait pas exception. «Une récente étude de l’Église grecque-catholique ukrainienne», révèle le prêtre, «met en évidence un retour à la spiritualité, le désir de se confier à Dieu pour sortir de cette situation. Au fond, c’est Lui seul qui sauve, qui rachète, qui donne l’espoir».

Mais le récit du père Moreno ne s’arrête pas à Chabany. Il se dirige tout droit vers une ville stratégique de l’oblast de Donetsk, théâtre d’une offensive russe sans précédent: Pokrovsk, plaque tournante cruciale pour les infrastructures. «C’est là que l’un de nos confrères, le père Sergey, avait ouvert un oratoire qu’il a ensuite dû fermer en raison des combats. Il s’est alors installé dans une petite ville à une trentaine de kilomètres de là, où il a fondé un autre oratoire, mais là aussi, les Russes l’ont contraint à abandonner. Finalement, il s’est armé de patience et en a ouvert un autre dans une zone plus sûre. Cette persévérance s’appelle vraiment de la résistance car, pour nous, les activités avec les jeunes sont vraiment une priorité à laquelle nous ne pouvons renoncer».

Une haine rampante

Lorsque le religieux croise le regard des mères et des enfants qu’il rencontre chaque jour, il ne peut s’empêcher de remarquer la haine rampante qui tente d’envahir leur cœur. «Si nous nous arrêtions aux considérations terrestres, il ne nous resterait plus qu’à accepter la vengeance, œil pour œil, dent pour dent. Mais le samedi et le dimanche, avec la célébration de la Divine Liturgie, nous essayons de recomposer cette terrible fracture provoquée par la haine envers l’ennemi».

Le pardon reste l’obstacle le plus insurmontable. Mais aujourd’hui, cela semble difficile, compte tenu de tout ce qui se passe: «Comment faire quand on subit des bombardements incessants et que les familles pleurent leurs proches tombés au combat?» se demande le prêtre.

Par Federico Piana

(Source: Vatican News / Photo: Vatican Media)

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